L’ambulance récemment achetée par notre association vient d’être conduite jusqu’à Kharkiv par son président, Francis. Il revient sur cette expédition riche de rencontres humaines fortes.
Départ de Nice
Après avoir été chargée du matériel médical collecté auprès des donateurs du golfe de Saint Tropez dans les locaux de l’Association Franco Ukrainienne Côte d’Azur (AFUCA), l’ambulance a pris la route au lever du jour du 25 juillet avec son deuxième chauffeur, prénommé Francis lui aussi.
Chargement ambulance AFUCA
Elle a traversé l’Italie, l’Autriche, la République Tchèque et la Pologne avant de faire escale à Kyiv, la capitale ukrainienne.
Une belle ville qui retient son souffle
Nous avons été chaleureusement accueillis dans la capitale ukrainienne par Anna, une connaissance d’Olga Monakh, vice-présidente de l’AFUCA. Notre hôtesse nous a guidés à travers les grandes avenues quasi désertes de la ville pour nous faire découvrir ses plus beaux sites et monuments.
Visite de Kyiv guidée par Anna
Je suis frappé par le silence qui règne sur la ville, comme si elle se recueillait à la mémoire des dizaines de milliers de victimes de la guerre contre la Russie incessante depuis 2014. Leurs portraits sont affichés sur des murs interminables aux abords d’une des nombreuses églises orthodoxes que compte la cité.
Le mur des victimes de la guerre
Des milliers de portraits et de drapeaux fleurissent également les parterres de la place Maïdan, là où en 2004 les manifestations de la « révolution orange » avaient obtenu l’annulation de l’élection contestée du président pro russe Viktor Ianoukovytch. La même place où en 2013 et 2014 une vague de protestations à grande échelle, connue sous le nom de révolution de le Dignité, obtient du parlement la destitution du même Viktor Ianoukovytch élu président en 2010. Ces évènements provoquent la colère du Kremlin qui occupe puis annexe la Crimée pendant que des séparatistes pro-russes armés proclament les Etats indépendants de Lougansk et Donetsk, déclenchant la guerre du Donbass.
Place Maïdan
Sur la place Sainte Sophie sont exposés les épaves de véhicules et d’engins militaires russes détruits par l’armée ukrainienne.
Epaves chars russes
En nous promenant sur l’esplanade qui offre une vue panoramique sur le Dniepr et les quartiers qui le bordent, nous sommes attirés par un jeune couple qui présente un spectacle de musique et de danse au passants. Des applaudissements viennent ponctuer leur prestation, mais quelques spectateurs leur adressent des propos véhéments. Anna nous explique qu’ils leur reprochent de chanter en Russe et non en Ukrainien. Un sujet de discorde de plus en plus fréquent, nous dit-elle, en nous expliquant que beaucoup ont toujours pratiqué le Russe et n’ont pas eu la possibilité d’étudier l’Ukrainien…
Panorama Kyiv
Kharkiv meurtrie, mais Kharkiv résiliente, Kharkiv résistante, Kharkiv debout
Sur la route qui mène à Kharkiv, les militaires et les check-points sont de plus en plus nombreux. Grâce à l’ambulance, nous passons les contrôles sans difficulté et arrivons à l’adresse de l’association « Sans Doute » (Bez Soumnivou) avant le coucher du soleil. Nous sommes accueillis par Natalya, sa présidente, et Sergueï, un de ses membres très actif, qui seront nos anges gardiens pendant notre séjour dans la région.
Après avoir déchargé le matériel médical collecté auprès des donateurs du golfe de Saint Tropez, nous rejoignons Nadiia, médecin dans les forces spéciales du régiment Kraken, pour lui remettre l’ambulance qui lui est destinée. Nos hôtes ont souhaité que la remise des clés ait lieu devant les ruines d’un collège détruit par les bombes russes dès les premiers jours de l’invasion. Tout un symbole destiné à bien montrer à ceux qui en doutent encore que Poutine tire aveuglément sur les écoles, les hôpitaux et la population civile.
Remise ambulance devant collège bombardé
Nous nous rendons ensuite dans un restaurant géorgien où nous savourons un plat typique du pays, le Khinkali, petite poche de pâte à la farine de blé rempli de viande hachée, d’oignon et de toutes sorte d’herbes. Accompagné d’un vin du même pays, ce délicieux repas est partagé à la lueur des bougies dans une quasi obscurité, couvre-feu oblige.
Première nuit en compagnie des sirènes… d’alerte
Nous passons la nuit dans l’appartement que Nadiia a gentiment mis à notre disposition. Situé au 8ième étage d’un immeuble de la périphérie de Kharkiv, il domine un quartier de banlieue qui ressemble à ceux de chez nous, hormis l’église orthodoxe blottie au milieu des tours.
Eglise orthodoxe au milieu des tours
Après une nuit entrecoupée par les sonneries des sirènes d’alerte, nous attendons Sergueï et Natalyia au pied de notre immeuble. J’observe un couple de grands parents accompagnant avec attention les jeux de leur petit fils qui fait ses premiers pas dans la vie. Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le sort de ses parents : sont-ils sur le front ou bien tout simplement à leur travail ? Je m’inquiète bien sûr pour l’avenir de ce bébé innocent. Mais en le regardant prendre la canne de sa grand-mère pour marcher comme elle, tirer son grand-père vers le toboggan pour le dévaler dans des grands cris de joie, je me dis que son appétit pour la vie l’emportera.
Bébé et grands parents
Rencontre avec une médecin héroïque à 10 kilomètres du front
Des routes de plus en plus défoncées nous obligent à emprunter des pistes à travers les champs de tournesols pour rejoindre le secteur de Vovchansk où nous avons rendez-vous avec Svletana, médecin qui soigne sans relâche sur le front depuis le début de la guerre et qui a été récemment décorée par le président Zelenski pour ses actes de bravoure.
Elle nous accueille devant sa base d’opérations à côté du nouveau pick-up que notre association lui a fourni il y a quelques mois avec des brouilleurs de drones pour éviter son repérage. Alors que le bruit des tirs d’artillerie se fait entendre non loin en permanence, elle nous remercie chaleureusement pour notre aide et nous invite à visiter ses locaux où se côtoient armes, matériels et produits médicaux. Elle nous raconte qu’elle a d’abord servi dans une Brigade de Marine à Marioupol où elle a perdu beaucoup de camarades, emprisonnés ou tués, pendant les combats d’Azovstal.
Rencontre près du front
Après nous avoir équipés de casques et de gilets pare-balle, son chauffeur Oleksander nous emmène visiter plusieurs villages environnants dévastés par les bombes, dont un le matin même. Il conduit à une vitesse invraisemblable sur des petites routes et des chemins chaotiques. Cela nous permet de vérifier le bon état mécanique du véhicule que nous lui avons fourni. Mais c’est surtout pour éviter d’être repérés par les drones ennemis.
Maisons bombardées
Réception d’un poste de stabilisation cofinancé par Place Publique Cogolin
Le lendemain, nous avons la chance de participer à la remise officielle d’un poste de stabilisation à l’équipe médicale de la 4ième Brigade Blindée.
Si notre association a financé l’équipement médical de ce poste de soins mobile, sa structure est fabriquée en Ukraine. Ce qui montre toute l’importance de pouvoir envoyer directement des dons en Ukraine pour permettre le financement de telles fabrications sur place.
Réception Stabnet
Les médecins et militaires présents nous expriment toute leur gratitude pour cet équipement qui a considérablement amélioré leurs conditions d’intervention auprès des blessés. Avant, ils opéraient dans des postes de stabilisation de fortune, souvent dans la boue et des conditions sanitaires déplorables. Grâce aux postes mobiles « Stabnet » qui peuvent être installés et camouflés au plus près des lignes de combat, ils nous expliquent qu’ils sauvent de plus en plus de vies et évitent de nombreuses amputations.
Intrevention dans poste stabnet
Ce programme « Stabnet », est développé par Damien, dynamique entrepreneur des Alpes Maritime. Il a déjà permis la livraison de 8 postes et ambitionne d’en installer une cinquantaine tout le long des lignes de front.
Interview devant stabnet
Interview par les média ukrainiens
Un vaste réseau de résistants déterminés
Pour notre dernière soirée à Kharkiv, Sergueï nous invite à dîner chez lui dans le jardin ombragé où il cultive ses propres légumes. Sa sœur Iryna a préparé un Bortsch et de nombreuses autres spécialités ukrainiennes délicieuses.
Repas chez Sergueî
Nous sommes rejoints par de nouveaux convives : des journalistes, des médecins, Cuba, héroïne de la 92ième Brigade à qui notre association avait fourni un pick-up, Dmytro, qui anime un réseau de médecins et d’étudiants pour porter assistance physique et psychologique aux personnes civiles et militaires, Anastasia, responsable d’un programme de fabrication et distribution de prothèses… Plusieurs d’entre eux sont originaires des régions de Louhansk et Donetsk qu’ils ont dû abandonner après leurs annexions par les Russes. Tous conservent une détermination intacte pour continuer à aider leur armée et leur pays à gagner la guerre. Avec de nombreux autres volontaires de la société civile, ils ont réussi à tisser un vaste réseau de résistance qui n’est pas sans rappeler celui qui s’était constitué en France pendant la seconde Guerre Mondiale et avait participé à la victoire.
Nous devons continuer à les aider de toutes nos forces !
Avec Cuba
Avec Cuba, de la 92ième Brigade, devant son pick-up donné par notre association
Le retour
Iryna et Sergueï m’accompagnent à la gare de Kharkiv pour prendre le train de nuit qui doit me conduire à Lviv.
Départ gare de Kharkiv
Ils se sont occupés de réserver ma couchette et la place du bus qui me conduira de Lviv à Cracovie d’où je prendrai l’avion pour Nice.
Je leur exprime ici toute ma reconnaissance pour l’accueil chaleureux qu’ils nous ont réservés, leur gentillesse et leurs marques d’attention à notre égard tout au long de notre séjour. Je les remercie de m’avoir permis de vivre cette riche expérience humaine. Merci aussi à tous les donateurs qui ont permis de collecter et financer ces différentes aides, en particulier à Catherine de Saint Tropez qui y a largement contribué.